Jeux du Commonwealth en Inde : l'enjeu

03.10.2010

Lorsque j'étais à Delhi en août 2010, la ville de New Delhi et le territoire tout entier faisaient peau neuve : partout des travaux en cours, des constructions, des ravalement de façades. Pour une capitale, j'ai trouvé qu'elle ressemblait plutôt à un gigantesque chantier de reconstruction ... comme au lendemain d'une guerre.

Notre chauffeur nous a expliqué que le branle bas de combat avait commencé il y a plus d'un an dès l'annonce que quelque 7.000 athlètes et officiels de 71 nations étaient attendus du 3 au 14 octobre pour ces 19e Jeux du Commonwealth. Quel prestige!

J'avais été étonnée du peu d'avancement des travaux alors, puisque ponts et chaussées n'avaient pas été achevés à un mois et demi des jeux ; tous les commerces, les hôtels et les monuments étaient en rénovation en même temps. C'était aussi sans compter toute l'infrastructure à mettre en place pour le bon déroulement des jeux : le village , les stades, les cuisines, l'hébergement et toute la logistique.

Pourtant, on ne ressentait pas cette imminence dans la capitale : le travail se faisait à mains nues par les ouvriers, avec très peu de grues ou de machineries sophistiquées mais des échafaudages en bois, des carrioles, des casseurs de pierre et des maçons avec truelle et auge... comme avant, comme toujours. Ces jeux, au moins, auront été l'occasion de d'employer des milliers de personnes sans qualification et d'améliorer leurs conditions de vie.

J'imaginais alors l'ampleur des travaux à mener et l'enjeu pour l'Inde qui accueillait ces jeux pour la première fois : attraction touristique, rayonnement du pays et l'image qu'elle devait donner d'elle, une autre image que celle de "Slumdog Millionnaire" pour mettre fin aux préjugés.

Mais voilà, l'Inde est ce qu'elle est : un vaste pays qui avance au rythme des progrès scientifiques mais aussi avec ses habitudes et ses traditions. Seule 1/10 000 ème de la population a réellement voyagé, vu autre chose que l'Inde , que sa propre région. Le vrai tourisme local , inter-état, est tout récent (des années 80) et l'ouverture aux pays étrangers encore plus récente, par la fuite des cerveaux en Occident. Le cinéma montre bien les belles images de l'étranger avec ses paysages de rêves et des noms de villes prestigieuses : Paris, Sydney, New York, Californie mais cela reste dans l'esprit de l'Indien, l"Autre Monde", le monde occidental, celui qui ne sera jamais le sien car il vit à sa manière, avec ses habitudes.

Lorsqu'un Indien entreprend des travaux chez lui, il fait face à la lourdeur administrative et préfère soudoyer les employés pour faire avancer les choses. Il paie la main d'oeuvre et fait appel à un "mestry", un chef de travaux, qui recrute par-ci par là des hommes et qui promet une date de fin de travaux pour finalement la dépasser de deux à trois mois en même temps que ses honoraires. Tout le monde s'en plaint mais personne n'a remis en cause ce dysfonctionnement : c'est comme ça en Inde, une heure signifie une semaine, un mois signifie six mois à un an. Le secteur du bâtiment a toujours été l'objet de nombreuses plaintes, de procès interminables mais ça n'avait affecté que la classe moyenne et à petite échelle.

Allez donc bousculer tout le monde en un an pour changer ses habitudes ancestrales... Aujourd'hui, l'Inde semble se rendre compte que ce qui se faisait à petite échelle se fait également à grande échelle. Que de scandales révélés lors de l'effondrement du pont le 21 septembre dernier, à 15 jours de l'ouverture des jeux : corruption, matériaux peu fiables, pas de système de sécurité, main d'oeuvre non qualifiée et au noir. De quoi faire fuir les athlètes du monde entier et faire capituler le gouvernement indien, critiqué par la presse locale et étrangère.

Et bien non, les Indiens sont imperturbables et confiants : la cérémonie d'ouverture des jeux a bel et bien lieu aujourd'hui par le Prince Charles en présence de milliers de spectateurs. Advienne que pourra.

L'Inde ne va pas changer de visage du jour au lendemain pour plaire au monde et ne pourra pas laisser transparaître une richesse virtuelle et éphémère que le temps d'un évènement sportif. Elle devra compter sur son accueil chaleureux, sur sa richesse culturelle et sa promesse d'évasion.

Les athlètes et le monde devront se rendre à l'évidence : l'Inde est un "Autre Monde ".

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Mise à jour : Les jeux se sont déroulés sans incident majeur avec une cérémonie d'ouverture aussi grandiose que celle de la clôture. L'Inde se place en seconde position avec 39 médailles d'or et 101 au total, juste derrière l'Australie qui a obtenu 74 médailles d'or et en 3ème position, l'Angleterre avec 31 médailles d'or. Une belle revanche pour l'Inde.