Salutations, Namaskar !

I want to offer you the simplest form of yoga: Namaskar . Trad. : Je voudrais offrir la plus simple forme du yoga : Namaskar.

- Yoga for all. - Sadghuru

Quelle  problématique pour se saluer au quotidien avec cette pandémie ! 

Les usages de la politesse des uns et des autres sont remis en cause en raison des gestes barrière. Vous avez du voir, comme moi, avec amusement sans doute, les coups de coude inélégants, sous forme de "check" que se donnaient les dirigeants  lors du somment européen. Pourtant, il existe des manières plus sobres et tout autant sécurisées de se saluer comme le namaskar ! Mais avant de parler de ce geste,  voyons un peu pourquoi nous nous saluons.

Les salutations, recherches des sciences humaines

En linguistique, les salutations relèvent de la fonction phatique c'est à dire du contact, en interaction avec autrui et de la métalinguistique, du code par la gestuelle. Roman Jakobson définit ces deux fonctions dans son schéma de la communication. 

Lors des salutations, la fonction phatique assure un contact bien établi entre deux personnes (le "bonjour" interpelle l'attention de l'autre) et la fonction métalinguistique  indique la manière dont on salue avec son corps (se serrer la main, se faire la bise ou se pencher en avant)

En sociologie, il s'agit de valeurs sociétales bien plus profondes qu'un geste banal. Erving Goffman (Communication conduct on an island community, 1953)  considère les salutations comme le respect non seulement de l'individu en face de soi mais de la communauté culturelle entière dont il est l'un des représentants.

En anthropologie, Gebauer et Wulf (Mimesis: Culture Art Society,1995) démontrent que l'action mimétique de se saluer n'est pas non plus une simple imitation culturelle figée mais se réajuste sans cesse selon les situations, comme aujourd'hui en période pandémique.

En effet, l'histoire de chaque pays éclaire elle aussi les mutations des codes de salutations, notamment dans des contextes de maladies contagieuses. La peste noire au Moyen âge, par exemple,  a complètement bouleversé la géopolitique, la religion et l'histoire même de l'Europe. 

Quant à l'ethnologie, elle soulève des questions sur l'acte de saluer : qui saluer? quand? où? pourquoi? comment? Questions fondamentales qui nous intéressent sur le namaskar  

Comment se saluer en Inde?

Jusqu'à aujourd'hui, tout comme les autres pays asiatiques et africains, l'Inde, a été touchée par de graves épidémies et notamment la tuberculose qui a engendré la mort de plus de 2 millions d'habitants jusqu'en 2017.

Est-ce pour cette raison que le namaskar ou le Salam musulman, ou encore l'inclination japonaise ont perduré? Ces gestes ancestraux qui consistent à se saluer  à une distance respectant  "l'espace personnel" (terme de psychosociologie) sont les modèles de la distanciation physique d'un mètre préconisée par les médecins actuellement. 

Cette coutume indienne de se saluer s'est pourtant estompée avec la mondialisation, avec la fuite des cerveaux progressive vers les Etats Unis et l'Europe. L'accolade américaine, la poignée de main européenne, la bise française ont fait leur apparition dans les grandes villes chez la jeune génération indienne, le namaskar a été relégué au rang des salutations traditionnelles familiales et diplomatiques. Souvent raillé comme geste trop protocolaire, le namaskar a repris ses lettres de noblesse avec la loi actuelle sur les gestes barrière. Il signifie à la fois bonjour/ bonsoir, au revoir, bienvenue, enchanté, merci. Autant de messages en un seul geste ! 

Pourquoi joindre les deux mains contre soi ? 

Plusieurs courants de pensées hindoue, parsie, bouddhiste et jaïne se rejoignent sur un fait : joindre ses deux mains recentre l'individu sur lui-même dans une attitude humble et respectueuse.

Dans l'hindouisme, le namaskar, du sanskrit namaskāra signifie "acte de s'incliner", alors que namasté signifie" je m'incline devant toi". La différence est subtile : namaskar est un salut non envers une personne mais envers l'univers qui l'entoure : sa famille, sa communauté, sa culture, son nation, son dieu.

Les maîtres de Yoga et de Bharatanatyam, la danse classique indienne, attribuent à ce geste un mudrā (un sceau) : añjali mudrā (añjali célébration, bénédiction). Comme tous les mudrā, celui-ci permet la circulation des énergies à l'intérieur du corps : symboliquement, nous célébrons notre existence, scellée à celle de  la société qui nous entoure et que nous respectons. 

De ce fait, la fonction des salutations prend davantage une dimension philosophique que purement conjoncturelle ou sociale. Alors, j'opte pour le Namaskar !